Vingt-quatre heures dans la vue d’une femme – Stefan Zweig (1927)
Une femme mariée s’enfuit avec un beau Français. Les pensionnaires de l’hôtel l’invectivent. Comment peut-on faire cela à son mari ? Ce n’est aucunement un agissement d’une femme respectable. Notre narrateur prend sa défense. Après tout, rien ne sert de critiquer, il sait très bien que la passion peut parfois se rendre maîtresse de n’importe qui. Pourquoi cela devrait-il en être différent pour les femmes ?
Une vielle dame anglaise, Mme C., s’entend étonnemment bien avec l’opinion de notre narrateur. Après de multiples échanges sur le sujet, elle l’invite dans sa chambre pour le mettre dans la confidence. Ses mots défenseurs l’ont touchée, car elle aussi, il y a longtemps, s’est éprise de sentiments puissants et conflictuels pour un jeune homme. Elle va lui raconter les vingt-quatre heures les plus passionnelles de sa vie.
À ce que l’on pourrait appeler « l’âge d’or du machisme », Zweig, grand séducteur, écrit une nouvelle pour expliquer la puissance, et parfois la confusion, des sentiments qui peuvent toucher les femmes. On est encore très loin de parler de féminisme, on s’entend. Mais là où les autres jugeront ces femmes qui enfreignent les mœurs, Zweig s’efforcera de les comprendre.
Mais je ne vois pas pourquoi, à titre particulier, je devrais prendre le rôle du procureur : je préfère jouer les défenseurs. Pour ma part, j’ai plus de plaisir à comprendre les gens qu’à les juger.
En effet, il regrette cette morale répressive, dont les femmes sont souvent les premières victimes. L’homme qui va voir ailleurs est juste un homme. Alors que la femme qui ne ferait qu’y penser s’abaisse directement au rang de paria. Ce drame existentiel est présent dans toute la société bourgeoise : emprisonnées par les conventions et la bienséance, les femmes se voient coincées dans leur rôle d’épouse fidèle, de mère aimante, de joli animal aimable. Mais qu’est-ce qu’une vie sans passion ?
Il s’était passé tout juste vingt-quatre heures depuis cette rencontre effroyable, si riche en sentiments des plus déraisonnables que mon monde intérieur était fracassé à jamais.
Le Livre de Poche
155 pages
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