«Art» - Yasmina Reza (1994)
Je n’ai pas vraiment l’habitude de lire des pièces de théâtre moderne, mes lectures s’orientent souvent plutôt vers Corneille, Molière, Shakespeare ou vers les auteurs grecs anciens comme Sophocle ou Eschyle. C’est dans un bar enfumé de Berlin, autour d’une excellente bière allemande, lors d’une discussion fournie sur l’art, qu’une amie m’a fortement conseillé cette pièce.
Serge a acheté une nouvelle peinture, pour la modique somme de deux-cent mille francs. Ce pourrait être un prix justifié, sauf que là, ce n’est pas l’avis de tous, car c’est une toile blanche. Entièrement blanche. Il y a certes quelques nuances dans les blancs, et si l’on plisse les yeux, on peut apercevoir des traits transversaux (blancs, eux aussi), mais sinon, elle est bien blanche. Les plus imaginatifs y verront des traces d’ocre et de rouge, mais il semble qu’il faille forcer pour les déceler.
Marc, lui, n’en croit pas ses oreilles. Il se dit que Serge a dépassé les limites : il est rentré dans ce cercle de bobos pseudo-intellectuels qui dépensent leur argent de la manière la plus insensée possible. Cotée ou pas, on ne paye quand même pas un tel prix pour simple une toile blanche ! Serge a perdu la raison.
Yann, lui, ne sait trop quel camp choisir. Noyé dans ses soucis professionnels et relationnels, il est trop inquiet et préoccupé pour prendre parti. Il est juste épouvanté du conflit engendré par une œuvre d’art moderne. Leur amitié longue de quinze ans risque de ne pas tenir le coup.
« Art » vous lancera dans une réflexion sur l’art moderne, sur l’éternelle question quant à la limite entre l’art et le n’importe quoi. Comment la tracer ? Si un tableau blanc est considéré comme de l’art, est-ce que tout est de l’art ? Ou au contraire, après une certaine période de l’histoire de l’art, tout est à jeter ? Une pièce qui vous fera autant rire que réfléchir, que je conseille vivement à tout amateur d’art.
MARC : Il vient de s’acheter un tableau.
YVAN : Ah bon ?
MARC : Mmm.
YVAN : Beau ?
MARC : Blanc.
YVAN : Blanc ?
MARC : Blanc.
Éditions Folio
121 pages
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