Longtemps je me suis couché de bonheur – Daniel Picouly (2020)
Longtemps je me suis couché à plusieurs. Chez nous on est au moins deux par lit. Pas étonnant ma mère a eu treize enfants.
Nous sommes dans la cité d’Orly en 1964. Le genre d’endroit où les écoles sont en sous-effectif, manquent de moyens et où les classes sont plutôt difficiles à tenir. Mais celle de notre narrateur semble absorbée par Proust et sa Recherche. Le professeur a réussi un coup de maître en partageant sa passion proustienne à sa vingtaine d’élèves.
Le narrateur surtout, y est plongé jusqu’à l’obsession. Il voue un amour sans limite à une Albertine, qu’il rencontre à travers le filtre du roman proustien. Avec un flou maintenu entre le roman et la réalité, on ne sait jamais si ce qu’il se passe est bien réel. Car oui, dans tous les cas, de la même manière que Victor Hugo avait déclaré qu’il serait « Chateaubriand ou rien », une fois plus âgé, notre narrateur sera Proust ou rien.
Un récit léger, drôle et bien écrit. Daniel Picouly nous livre une vraie expérience de langue en multipliant les jeux de mots, les calembours et les images loufoques qui m’ont beaucoup fait rire.
Ce livre est parfait pour tous les fans de Proust. Mais malheureusement pas pour moi. Pas que je n’aime pas Proust, mais je n’ai pas encore lu la Promesse en entier. Fort de mon bagage proustien qui ne se compose que Du côté de chez Swann, j’ai eu de la peine à vraiment rentré dans l’ouvrage. Cela dit, j’ai passé un excellent moment, même si je pense que pour une expérience optimale, il faut être familier avec l’univers proustien, où alors garder internet sous la main pour combler ses lacunes (comme moi).
Les deux mitrailleuses Browning de mon Spitfire n’ont pas fait le poids. J’ai été descendu en flammes par le regard DCA d’Albertine. Je suis pilote de chasse touché au cœur, éjecté de son chasseur et suspendu à un parachute au plafond de la librairie. Pourtant de là, je vois tout. Je suis un narrateur omniscient. C’est comme ça que Taquin appelle un type suspendu au plafond d’une librairie. (…) C’est spectaculaire, une fille de quinze ans vue d’en haut.
Éditions Albin Michel
328 pages
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