Les trois pylônes – Felix Macherez (2023)
C’est un roman à lire pour explorer le flou entre l’écrivain et le narrateur. Car si l’on se fourvoie parfois à penser que c’est la même personne, on se trompe bien souvent.
Pourtant, dans ce second roman de l’auteur, l’interrogation n’a jamais été aussi persistante. C’est l’histoire d’un jeune homme qui décide de ne rien faire d’autre qu’écrire. La sortie de son premier roman n’a pas eu le retentissement qu’il attendait. Il espère bien que c’est son second ouvrage qui lui apportera la gloire.
Il vit dans la plus maigre des pauvretés, avec à peine de quoi manger, gardant tout son argent – fourni par ses amis – pour les Winston qu’il fume sans arrêt. Pas le choix, car elles font partie de son image soignée d’écrivain torturé, tout comme ses chemises usées, ses pantalons élimés, sont intérieur minimaliste et gris.
À travers son projet d’écriture actuel, il veut explorer ce qu’il appelle « les trois pylônes », à savoir l’art, la foi, et l’amour. Sans eux, la vie n’est pas la vie. A eux trois, ils sont le résumé et la totalité de tout ce qui vaut la peine dans notre misérable existence. Pour reprendre les mots du narrateur : « ils sont, pour ainsi dire, l’essentiel : trois états limites, trois pôles de l’émotion humaine, les trois éternelles colonnes de la passion et des rêveries ; notre seul salut, probablement. » Mais notre narrateur est si paralysé par l’importance de sa mission qu’il ne peut ni travailler, ni écrire. Il ne peut que contempler l’immensité de son œuvre en construction, mesurant à quel point sa mission le place en dessus du reste du monde.
Tout au long des pérégrinations de notre narrateur donc, qui veillera tard la nuit, assistera à un enterrement, conversera avec prêtres et alcooliques, partira en rendez-vous avec la plus belle femme qu’il n’a jamais vu, nous explorerons donc ces trois thèmes sacrés, seule source de sens de notre vie sur terre.
C’est un roman qui analyse notre narrateur, qui se perd dans ses réflexions aussi pertinentes que décousues – et ce n’est pas pour déplaire – un style neuf et qui change beaucoup des romans contemporains que j’ai pu lire ces dernières années. Une plume très prometteuse.
Éditions Gallimard (collection L’Arpenteur)
266 pages
Comments ()