Le procès-verbal – J.M.G. Le Clézio (1963)

Le procès-verbal – J.M.G. Le Clézio (1963)

On me reprochera certainement des quantités de choses.
D'avoir dormi là, par terre, pendant des jours ; d'avoir sali la maison, dessiné des calmars sur les murs, d'avoir joué au billard. On m'accusera d'avoir coupé des roses dans le jardin, d'avoir bu de la bière en cassant le goulot des bouteilles contre l'appui de la fenêtre : il ne reste presque plus de peinture jaune sur le rebord en bois. J'imagine qu'il va falloir passer sous peu devant un tribunal d'hommes ; je leur laisse ces ordures en guise de testament ; sans orgueil, j'espère qu'on me condamnera à quelque chose, afin que je paye de tout mon corps la faute de vivre...

Adam Pollo a pris la décision de vivre retiré de la société. Pour des raisons qui demeurent obscures, il habite dans une maison abandonnée qui donne sur la mer. Il passe la journée à bronzer au soleil, à fumer des cigarettes et lire des vieux journaux. Il ne semble pas trop concerné par l’insalubrité de son habitat ou par l’ennui mortel qui hante son quotidien.

Parfois, il sort. Il se balade en ville. Il erre dans les rues, sans trajectoire précise. Il se rend aussi à la plage, se laisse dériver le long des rochers. Mais s’il a une occupation bien essentielle et qui lui prend tout son temps et sa concentration, c’est bien de ne rien faire.

Le procès-verbal est le premier roman de J.M.G. Le Clézio. D’abord envoyé à Gallimard dans l’espoir de gagner un concours avec un voyage comme premier prix, il se verra publié, récompensé du prix Renaudot et manquer de justesse le Goncourt. Pas mal pour un auteur de 23 ans.

Je dois avouer qu’au début, je ne comprenais pas trop ce que je lisais. Le style est certes excellent, mais je ne comprenais pas l’intérêt et la direction de l’histoire. C’est seulement vers le milieu du livre que j’ai été happé par le livre, d’un coup, je ne pouvais plus le poser. La lecture du Procès-verbal est difficile à décrire, mais je pense qu’on peut l’apparenter à celle de l’Étranger de Camus pour l’impression d’absurde qu’il nous livre, ou à l’univers d’Henry Miller pour son côté cru et chaotique.

À travers son personnage et du haut de ses seulement 23 ans, Le Clézio nous livre une autre manière de voir le monde et de le décrire, en employant un vocabulaire riche qui m’a souvent poussé à consulter mon dictionnaire et à réfléchir longuement sur certaines descriptions. Au début, je n’aimais pas ma lecture, et quand j’ai fermé mon volume, j’étais bien convaincu d’avoir terminé un chef-d’œuvre. Vraie leçon de littérature, voilà un livre qui repousse encore un peu les limites de l’art.


Éditions Folio
315 pages