Classiques

Le Diable au corps – Raymond Radiguet (1923)

J’épuisais ma force nerveuse en lâcheté, en audace, éreinté par les mille contradictions de mon âge aux prises avec une aventure d’homme.

Notre narrateur n’a que 15 ans quand il tombe amoureux de la belle Marthe, 18 ans, qui vient de se marier. Son mari Jacques est au front. La voie est libre pour la séduire, d’abord bien malgré lui, puis de manière froide, calculatrice, méthodique. C’est l’un des récits adultères les plus connus et les plus scandaleux de la littérature française.

On ne saurait dire où se situe la limite entre le contrôle et la passion réelle, si ce jeune homme ne fait que découvrir hasardement le langage et les choses de l’amour, ou si c’est un stratège manipulateur de génie, aussi lunatique que possessif. C’est certainement un peu des deux.

Est-ce que le couple adultère parviendra à vivre son amour sans subir le contre-coup d’une société jalouse, outrée et en colère ? N’est-on pas trop jeune pour envisager une relation suivie et mature à cet âge ?

C’est un roman inspiré de sa vie que nous livre Raymond Radiguet qui, au jeune âge de 14 ans a vécu une aventure similaire. Épris pour Alice Saunier, 23 ans, la jeune femme d’un soldat qui se bat au front pendant la Première Guerre, il lui fait la cour avec succès.

Le livre fâche, insulte, scandalise. La guerre vue comme des grandes « vacances » par l’auteur qui en profite pour séduire la femme d’un soldat met en rage les anciens combattants. Grasset met les bouchées doubles sur cette plume prodige, chantant avec fierté la jeunesse et la talent de l’auteur. On parle déjà de génie littéraire. La critique se fâche et ne réserve pas de bons mots pour le jeune prodige de 16 ans. Il vendra pourtant 45'000 exemplaires le premier mois.

Mais Radiguet était de ceux qui vivent, brûlent et s’éteignent trop vite. Il meurt à l’âge de 20 ans, emporté par la typhoïde. Il nous laisse ce roman, ainsi que le Bal du comte d’Orgel qu’il me tarde déjà de lire.