L’ancien calendrier d’un amour – Andreï Makine (2023)

L’ancien calendrier d’un amour – Andreï Makine (2023)

"Qu’importe l’éternité de la damnation à qui a trouvé dans une seconde l’infini de la jouissance", disait Charles Baudelaire. Cette phrase serait absolument parfaite pour résumer le message de ce roman. Ce dernier est d’ailleurs lui-même un chef-d’œuvre de la concision. En moins de deux-cents pages, Andreï Makine nous livre un drame russe digne des plus grands classiques.

Valdas Bataeff est un enfant né dans l’opulence. Élevé dans la tradition aristocrate, il connait les salons, les cours particuliers, les réceptions, les vacances en résidence secondaire, bref, le confort. Sa vie bascule quand il croise le chemin d’une contrebandière qui le sauve in extremis des douaniers. Il se souviendra de la lourdeur de son corps qui protège le sien, de la douceur de ses boucles sombres. C’est sa toute première confrontation au bas peuple, cette majorité de la population qui doit se soucier de quoi l’avenir sera fait. Mais ce n’est qu’un avant-goût des épreuves qui l’attendent.

Notre protagoniste a à peine le temps d’oublier cette femme et de se fiancer à une autre, qu’il est appelé au front. La première guerre mondiale, qu’on n’appelle alors pas encore comme ça, a commencé. Ce qui devait être une promenade de santé pour l’armée russe commence à s’éterniser. Et pour ne rien arranger, le règne déjà incertain de la dynastie des Romanov prend fin : c’est la révolution. Et notre ami n’est pas dans le camp des gagnants.

C’est mon premier coup de cœur de l’année, et pas des moindres. On sent toute l’expérience accumulée derrière la plume de ce grand romancier qui siège au cinquième fauteuil de l’Académie Française. Il crée ici une vraie épopée, aussi tragique que lumineuse. À travers Valdas, il nous raconte la chute d’un empire, l’arrivée d’un nouveau visage pour le pays et d’un nouveau chapitre pour l’Europe. Il nous raconte aussi et surtout un grand amour, aussi court que tragique, un amour perdu dans le passé, si loin désormais qu’il appartient à l’ancien calendrier. Un roman magnifique.


Éditions Grasset
195 pages