Huis clos – Jean-Paul Sartre (1944)⁠

Huis clos – Jean-Paul Sartre (1944)⁠

⁠Ah ! quelle plaisanterie. Pas besoin de grill : l'enfer, c'est les Autres.

Y a-t-il une phrase plus emblématique que celle-ci lorsque l’on pense à Jean-Paul Sartre, je vous le demande. C’est aussi une question philosophique intéressante. On peut interpréter cette maxime comme si elle disait que le regard de l’autre, son jugement et ses actions sont ce qui nous nuit. D’autres argumenteraient que l’enfer, c’est justement l’absence de l’autre. Comme le disait Victor Hugo : "L'enfer est tout entier dans ce mot : Solitude. Avec tous les remords qui sont l'inquiétude et le deuil de la terre, et dont il est l'aïeul, Dans l'effrayant cachot des nuits, Satan est seul."

Mais Sartre dirait peut-être qu’il vaut mieux être seul que mal accompagné. En effet, c’est certainement ce que pensent les trois protagonistes de la pièce. Enfermés dans une sale pour l’éternité – ou du moins, jusqu’à nouvel ordre – ils sont condamnés à passer tout leur temps ensemble, ponctué de vision de la vie qui continue sans eux. Ce qu’ils veulent et ce qu’ils n’ont pas coïncide parfaitement : la paix, un espace de réflexion, une oreille pour écouter leurs tourments. Car tous se plaignent, mais aucun de leurs besoins ne sont alignés. La question qui se pose alors est : est-ce une vision de l’enfer selon Sartre, ou est-ce une vision de la vie en tant qu’enfer ? Je pense que ce manège permet à Sartre d'illustrer la versatilité de l'être humain. Il prouve que chacun ne s'entend avec l'autre que dans la mesure où cela sert ses intérêts.⁠

Le dernier élément à soulever serait celui de la « véritable mort », ce qui correspond au moment où plus aucun vivant ne pense à nous. Le mort ne peut alors plus voir ce qu’il se passe sur terre, car il était rattaché à celle-ci par les références vivantes à sa personne. Sartre nous montre ce que la damnation a de plus tragique, qui n’est pas juste l’absence de vie, mais l'oubli simple et définitif.⁠

Une grande pièce qui n’a pas pris une ride depuis ma première lecture. N’hésitez pas une seconde à la lire, ou mieux, à la voir être jouée si vous en avez l’occasion.


Éditions Folio⁠
170 pages⁠