How to stay sane in an age of division - Elif Shafak (2020)
Cet essai est une mise en garde. Au milieu d’une époque où l’anxiété se propage dans toute la population, on se sent submergé par un monde que l’on ne reconnait plus. Sur le web et aux nouvelles, nous sommes bombardés d’évènements négatifs, l’injustice et la souffrance règnent en maîtresses absolues. On dirait presque que nous sommes en constante situation de crise. La pandémie a retourné le monde, le conflit israelo-paléstinien continue de faire rage, des jeunes femmes sont exécutées en Iran, la guerre est revenue en Europe pour s’attaquer à l’Ukraine, des tremblements de terre violents secouent la Turquie.
La question que pose Elif Shafak est aussi simple qu’essentielle : Comment pouvons-nous continuer à nourrir l’espoir qui est en nous et continuer à croire que le monde se débat dans un combat vers le mieux ? En d’autres termes, comment garder notre sanité mentale en cet âge fracturé ?
Shafak met en garde contre les réseaux sociaux qui tendent à mettre les gens d’accord et servir leurs propres opinions. En fonction de vos préférences, ils vous servent les infos que vous voulez entendre, et vous font converser avec les profils qui sont d’accords avec vous. Convaincus de nos idées, elle-même confirmées par nos nourritures digitales, nous perdons notre faculté d’argumentation et la possibilité de confronter nos opinions avec leurs contraires. Le débat est mort, et il a fait place à des batailles de conviction. La pluralité n’est plus célébrée. Il n’y a plus que des camps idéologiques et identitaires, qui donnent naissance à une polarité néfaste : nous sommes avec ou contre, toute nuance est devenue impossible.
Et nous traversons également une crise de sens. Beaucoup de ce qui nous semblait acquis ne l’est plus. La démocratie elle-même nous montre qu’elle est finalement bien plus fragile que l’on veut bien l’imaginer. Nous avons perdu l’ancienne conviction que l’avenir sera plus généreux que le présent. L’idée d’un progrès constant est devenue grise et incertaine.
Le pire dans tout cela est que l’on se sent isolé. Dans une ère où le paraitre est maître, nous pensons tous être la seule victime de ce monde qui se déchire. D’un côté, nous sommes mitraillés par les images des vacances et des succès de notre entourage, en plus des nouvelles d’un monde en flamme. Émerge alors de nous un profond sentiment de solitude. Et c’est à ce moment qu’il faut se méfier des populismes qui promettent de guérir cette solitude et d’utiliser la haine et la tristesse du peuple pour “unir” sous une seule et même bannière. Qui aura quelque chose à y redire ? Gare aux solutions toutes faites en temps de crise, elles sont séduisantes, mais parfois meurtrières.
Une réflexion riche et enrichissante que je recommande à tous. Shafak nous donne les pistes pour rester calme et garder le cap, direction des jours meilleurs. “Nous avons tous les outils pour reconstruire notre société, changer nos manières de penser, réparer les inégalités et mettre fin aux discriminations, et choisir une sagesse plus profonde plutôt que des bribes d’information, choisir l’empathie au lieu de la haine, choisir l’humanisme au lieu du tribalisme, mais nous n’avons plus beaucoup de temps ou de marge d’erreur, alors que nous sommes en train de tuer la planète, notre seul foyer.” Un essai essentiel.
90 pages
Comments ()