En finir avec Eddy Bellegueule – Édouard Louis (2014)
Ce livre est l’histoire de la montagne presque insurmontable qu’est la classe sociale. Que faire lorsque l’on nait dans l’un des milieux les plus défavorisés de France – où les livres sont absents et que la violence et la virilité sont omniprésentes – quand l’on rêve de faire du théâtre et que l’on est gay ?
D’une force et d’une vérité bouleversante, Édouard Louis nous mène à travers le combat quotidien de son enfance : les insultes et les quolibets, la discrimination, l’absence d’espoir et de considération, même au sein de sa famille. C’est un monde où la violence règne et frappe de tous les côtés, pas seulement entre les hommes, mais à travers les travaux ingrats, le manque de moyens, la frustration, la jalousie, la peur de la différence et la haine de ce qui n’est pas conforme.
C’est le récit d’une fuite, l’histoire de l’émancipation d’un jeune homme qui ne se sera jamais senti à sa place. À vrai dire, il ne garde même pas de souvenirs heureux de son enfance : tout s’inscrit dans un schéma de peur et de douleur.
Dans ce roman, Édouard Louis se met à nu et nous emmène visiter le paysage d’une province marginalisée, qui est on ne peut plus différent du cadre que l’on pourrait imaginer pour un diplômé de l’École Normale Supérieure. À lire absolument.
Chez mes parents, nous ne dînions pas, nous mangions. La plupart du temps, même, nous utilisions le verbe bouffer. L’appel quotidien de mon père C’est l’heure de bouffer. Quand des années plus tard je dirai dîner devant mes parents, ils se moqueront de moi Comment il parle l’autre, pour qui il se prend. Ça y est, il va à la grande école il se la joue au monsieur, il nous sort sa philosophie.
Parler philosophie, c’était parler comme la classe ennemie, ceux qui ont les moyens, les riches. Parler comme ceux-là qui ont la chance de faire des études secondaires et supérieures et, donc d’étudier la philosophie. Les autres enfants, ceux qui dînent, c’est vrai, boivent des bières parfois, regardent la télévision et jouent au football. Mais ceux qui jouent au football, boivent des bières et regardent la télévision ne vont pas au théâtre.
Éditions Points
204 pages
Comments ()