Comment j’ai rencontré les poissons – Ota Pavel (1974)
Dans la Tchécoslovaquie d’avant-guerre, un garçon raconte son enfance auprès d’un père charmeur et extravagant. Avec lui, la vie prend des allures d’aventure : la pêche aux carpes autant que la conquête d’une femme ou l’invasion de leur village par les troupes allemandes…
Une chronique familiale drôle et poignante, où la tendresse adoucit le tragique, la beauté de la nature fait oublier les affres de l’Histoire, et l’optimisme n’a d’égal que la liberté.
À part le grand Milan Kundera, je dois avouer que ma connaissance de la littérature tchèque est relativement limitée. J’étais donc très curieux de recevoir et de lire ce roman écrit par un auteur dont je n’avais jamais entendu le nom. Et quelle belle surprise.
La vie n’est pas simple pour cette famille pauvre de la campagne tchèque. Ils collectionnent les hauts, mais surtout les bas et se battent toujours avec les mêmes armes, une dans chaque main : l’espoir et l’optimisme. Le destin mène la vie dure au père, mais jamais il ne baisse les bras. S’il abandonne un combat, c’est par réalisme et bon sens, lorsque la défaite est assurée, que l’issue n’existe pas et qu’il devient absurde de continuer. Néanmoins, il pense déjà au prochain coup qu’il jouera contre la vie. C’est une partie d’échec sans fin où la joie triomphera.
Notre héros grandit, admirateur de son père qui est à la fois pêcheur, vendeur, businessman, juif persécuté, membre du parti communiste, éleveur de lapins. Même sous l’occupation, ils font de leur mieux pour se procurer à manger et, à l’occasion, ferrer un poisson.
J’ai beaucoup aimé ma lecture, qui montre que quels que soient les malheurs qui nous tombent dessus, nous avons toujours le choix de sourire et garder la tête haute. Le désespoir n’a de place que lorsqu’on le laisse s’installer. Comme disent beaucoup de ses lecteurs, c’est peut-être le livre qui fait le mieux office d’antidépresseur au monde.
« Je sais désormais que ce qui attire la plupart des gens, ce n’est pas seulement la quête du poisson, mais la solitude des temps révolus, le besoin d’entendre encore une fois l’appel de l’oiseau et du gibier, d’entendre encore tomber les feuilles d’automne. Tandis que je mourrais là-bas à petit feu, je voyais surtout cette rivière qui comptait plus que tout dans ma vie et que je chérissais. Je l’aimais tellement, qu’avant de me mettre à pêcher je ramassais son eau dans mes mains en coquille et je l’embrassais comme on embrasse une femme. Puis je m’aspergeais le visage avec le reste de l’eau et je réglais ma canne. La rivière s’écoulait devant moi. L’homme voit le ciel, il jette un regard dans la forêt, mais il ne voit jamais au cœur d’une vraie rivière. Pour voir ce qu’il se passe dans une vraie, il lui faut une canne à pêche. »
Éditions Folio
266 pages
Comments ()